dimanche 22 mai 2011

Vendeuse de glace et SNCF

Des galères et des petits boulots à trois sous, « Miss Da » en a plein sa sacoche. Cette surdiplômée thaïlandaise tente de faire son petit bout de chemin sur la banquise française, non sans mal.
Dans ce premier volet, elle pose un regard humoristique sur les symptômes de la société française à travers un cornet de glace. Envie d’une boule ? Alors suivez le guide...


Vendeuse de glace ?

Rien d’extraordinaire, non ? J’adore les glaces, c’est vrai, mais bon. Après avoir été élue meilleure étudiante en français par mon université à Bangkok, j’ai atterri en France, un peu les mains dans les poches. Ma bourse au mérite semblait m’ouvrir facilement les portes de l’Europe. Après un BAC+5 en communication, je rêvais d’un bon salaire dans une grande boîte renommée. Mais non. La réalité a vite effacé l’euphorie de la jeune diplômée. Dans un pays où deux millions de chômeurs envahissent les locaux des Pôle Emploi, j’ai très vite dû, moi aussi, rejoindre les rangs de l’ANPE. Des métiers, on m’en a fait voir de toutes les couleurs : plongeuse, puis vendeuse en poissonnerie. En résumé, que des choses passionnantes, quoi. Puis j’ai fini par faire la manche dans la rue. Pour faire plus classe on dit « recruteur de donateurs » pour une ONG internationalement reconnue (en l’occurrence moi). Je suis finalement devenue la seule et unique Thaïlandaise à vendre des glaces italiennes dans la région toulousaine ! Plus international comme ONG, tu meurs !

SNCF bonjour, en quoi puis-je vous aider ?

Je vous pose une colle. Quel est le rapport entre une vendeuse et une grève à la SNCF ? La fille prend le train pour aller travailler ? Non, mauvaise réponse. Seconde chance. Rupture de stock car les glaces sont livrées par le train ? Non plus. Game over. La bonne réponse est que son kiosque à glaces est juste en face de la gare ! Un mardi après-midi, j’ai commencé à 14 h. Jusqu’à 15 h, je n’ai eu aucun client. Mais au moins 20 personnes m’ont posé les mêmes questions au sujet des commerces situés, comme le mien, à proximité du point d’arrêt de la SNCF. « C’est fermé ? » Ça se voit, non ? pense ma tête, mais ma bouche se tait. « Pourquoi c’est fermé ? » Ce n’est pas moi qui ai pris la décision de cette fermeture ! « Depuis quand c’est fermé ? » Depuis ta naissance, peut-être ! « Ils sont en grève ? » Mais vous savez bien, mes chers compatriotes, que France égale grève ! « Je suis passé ce matin, c’était déjà fermé, vous pensez que ça ouvrira cet après-midi ? » Je ne suis pas voyante ! « Quand ça sera ouvert ? Demain ? » Qu’est-ce que j’en sais ? « Et à la gare, c’est aussi fermé ? » Je ne travaille ni pour la SNCF ni pour la gare, mais pour les GLACES ! Ne pas confondre ! « C’est fermé définitivement ? » C’est moi qui vais finir par mettre une bombe pour que ça le soit ! Ce que j’ai beaucoup admiré, c’est cette persévérance humaine. Malgré mes « Je ne sais pas », mes « Je n’en ai aucune idée », et mes « Je n’en sais absolument rien », tous continuaient à me harceler. Ils ne décollaient pas de là. Genre « si je n’arrive pas à avoir la réponse, je ne te lâche pas ! ». Que puis-je faire de plus ? Vous vendre les billets de train avec les glaces ? Pas possible.


Politesse en première classe

Voilà mon quotidien de vendeuse de glace en service. « C’est fermé, la SNCF ? », m’interpelle une voix de l’autre côté du congélateur alors que je suis en train de prendre la commande d’une cliente, laquelle s’empresse de s’excuser, gênée. Un comble, car celle qui devrait être gênée, c’est plutôt cette bonne femme mal élevée qui venait de nous couper la parole. Mais non. Du coup, j’oublie ce que je dois servir comme parfum. Ma seule envie est de lui jeter les boules de glace à la figure pour qu’elle daigne se taire. Merci la SNCF. Merci pour votre communication si efficace, et n’oubliez pas ma prime de fin d’année !


Retrouvez également les chroniques et tous les commentaires de Miss Da sur
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